INSÉCURITÉ

Le déclin de Port-au-Prince : témoignage d’un rêve brisé

ONM

Depuis les collines verdoyantes des Côtes de Fer, mon regard d’enfant se perdait dans les horizons lointains, vers la promesse éclatante de la capitale haïtienne, Port-au-Prince. C’était là que résidaient certains membres chers de ma famille, une grand-mère aimante, un grand frère protecteur, et une grande sœur rayonnante. Mon cœur battait au rythme de l’espoir, rêvant du jour où je pourrais enfin fouler les rues animées de cette métropole vibrante.

Chaque fois que les vacanciers revenaient dans notre commune, venus de cette terre de promesse, mon esprit s’évadait vers des pensées de joie et d’émerveillement. Ils étaient là pour jouer au football dans les tournois estivaux des Côtes-de-Fer, pour partager des moments de théâtre avec la troupe « La Famille Pitit Caille », une troupe spéciale formée de jeunes de notre région, éduqués à Port-au-Prince mais toujours attachés à leurs racines provinciales.

C’était le rêve de toute une génération d’enfants et de jeunes de notre époque. Nous travaillions dur à l’école, espérant un jour que nos parents nous offriraient le précieux voyage vers la capitale tant convoitée.

Mais hélas, le temps a passé, et avec lui, les rêves se sont fanés. Port-au-Prince, autrefois symbole d’espoir et de possibilités, est devenue une ombre de sa grandeur passée. L’ascension des gangs, l’insécurité rampante, le fléau du chômage et de la famine, ont transformé les rues autrefois vivantes, en un paysage de désolation.

Les rafales d’armes automatiques percent le silence de la nuit, les déchets jonchent les rues, les carcasses de voitures et de magasins incendiés marquent le paysage urbain. La capitale haïtienne, autrefois si magnifique, est désormais répugnante, repoussant ceux qui autrefois rêvaient d’y trouver leur destin.

Et ainsi, un mouvement inverse s’est enclenché. Les camions bravent les routes dangereuses, affrontant des criminels qui les guettent à chaque tournant, transportant les biens et les souvenirs des familles qui fuient l’effondrement de la capitale. Ils retournent vers les villes provinciales, à la recherche d’une vie plus paisible, espérant échapper à un destin prématuré dans les rues impitoyables de Port-au-Prince.

Ce « voyage inversé » est le symbole poignant d’une société en détresse, où les aspirations d’une génération sont écrasées sous le poids de la violence et de la misère. C’est le récit amer d’une promesse brisée, d’un rêve devenu cauchemar. Il souligne la nécessité urgente d’une transformation profonde, d’un renouveau qui redonne espoir à ceux qui ont été forcés de fuir, et qui redonne à la capitale haïtienne son éclat et sa dignité perdus.

Désiré Lucien