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Critères de choix d’un Ministre de l’éducation à l’heure actuelle en Haïti

ONM

Réfléchir sur des critères de choix d’un Ministre de l’éducation à l’heure actuelle en Haïti est un exercice qui doit être fait minutieusement. Cet exercice consiste à mettre en phase sur cinq grandes considérations, il s’agit des réflexions d’ordre:
Anthropologique, psychologique, politique, sociologique et pédagogique.
Ces concepts susmentionnés devraient mettre en relief les multiples défis auxquels le système éducatif haïtien a fait face pendant plusieurs années. Considérons les dix dernières années, le bilan est très catastrophique à tous les niveaux, nous n’avons pas choisi de faire une liste exhaustive, mais les cinq volets évoqués au début du texte nous permettra de faire une analyse succincte sur le choix d’un Ministre de l’éducation dans une période de grande crise.
Juste avant de parvenir à une conclusion, un petit rappel théorique s’avèrerait nécessaire.
Considération anthropologique
L’éducation est une activité humaine, car elle vise la formation intégrale de l’homme, Emmanuel Kant, philosophe allemand eut à dire que l’homme ne peut devenir homme que par l’éducation. Il ne peut être que ce que l’éducation fait de lui. Quant à Olivier Reboul, il a montré que l’éducation a une finalité morale.
Considération psychologique
Un enfant en situation d’apprentissage doit être capable d’assimiler des notions apprises sans de trop grandes difficultés. Son bien être mental doit lui permettre d’affronter les sources de stress de la vie, de réaliser son potentiel, de bien apprendre et de bien travailler, et de contribuer à la vie de la communauté. Cependant, Piaget considère l’intelligence non comme une faculté innée mais comme un processus adaptatif en constante évolution ; il va ainsi chercher à comprendre comment elle se développe progressivement dans l’effort du sujet pour connaître.
Considération politique
L’éducation est politique avant tout, mais elle n’est pas de la politique, c’est la réflexion de Bernard Charlot dans un ouvrage qui a pour titre : « la mystification pédagogique ». L’auteur poursuit pour dire que, l’école assure la cohésion sociale et elle est aussi une institution qui prône la justice. Pour Jean Jacques Rousseau, créer un être humain « naturel » par l’éducation, c’est en ce sens créer un individu libre qui pourra changer la société (une révolution sociale ne se fait pas sans une révolution éducative).Quant à Paolo Freire, l’entreprise d’alphabétisation ne saurait être séparée de la situation sociopolitique dans laquelle s’enracine l’analphabétisme : que plus d’un milliard d’êtres humains ne sachent ni lire ni écrire n’est avant tout un problème de compétence linguistique, mais bien un problème politique.
Considération sociologique
En nous inspirant de Durkheim, l’éducation est l’action exercée par les adultes sur et avec les enfants afin de les intégrer à leur communauté et de leur transmettre leur culture, c’est-à-dire l’ensemble des savoirs nécessaires à l’existence de cette communauté. Cette existence exige aussi bien la connaissance du passé, que celle du présent et du futur.
Toutes les sociétés humaines s’acquittent de cette tâche, de cette double fonction : intégrer les enfants et leur transmettre leurs savoirs, leur culture.
Considération pédagogique
La dimension historique de ce concept est importante en précisant que le XVIIe siècle donne naissance à la pédagogie. En effet, si l’éducation, durant les époques passées, se définit par la mise en place d’un certain nombre d’éléments éducatifs dont les contenus et la méthode forment l’essentiel, la dimension pédagogique ne fait l’objet d’une considération systématique qu’au XVIIe siècle.
Plusieurs facteurs y concourent : la réforme amorcée par Luther, la riposte catholique, un souci moral de l’enfance, ainsi qu’un questionnement de l’utilité de la scolarisation dans le maintien de l’ordre social. Ces facteurs ont pour effet une augmentation de nombre d’élèves, et donc d’écoles, augmentation entraînant la nécessité d’une réflexion consciente et ordonnée sur l’organisation complète de la classe pour régler de nouveaux problèmes d’enseignement.

Commentaires des concepts ci-mentionnés à l’heure actuelle autour du système éducatif haïtien.
Pour comprendre la crise haïtienne actuelle dans une perspective éducative, il a fallu mettre l’accent sur les concepts ci-développés, il s’agit d’un moment crucial dans notre société où les défis sont énormes.
Premièrement, tout est banalisé dans cette société, la vie de nos citoyens haïtiens est devenue de plus en plus menaçante, des biens culturels et des patrimoines matériels pour ne citer que ceux-là sont aussi anéantis au vu et au su de tout le monde. Des institutions de formation du pays qui ont contribué à la formation de plusieurs générations, telles que : l’Ecole Normale Supérieure (ENS), la faculté de Médecine, la faculté des sciences, la bibliothèque nationale, l’Ecole Nationale des Arts, la Faculté d’Agronomie et de Médecine Vétérinaire, École Mixte les Frères Nau, etc… Certaines d’entre-elles ont été pillées et vandalisées et d’autres ont été incendiées.
Quelques personnalités qui ont été formées à l’École Normale Supérieure en Haïti :
Mirlande Hypolite Manigat, Michel Hector, Yves Roblin, spécialiste en Planification de l’Education, Suzy Castor, Kenrick Demesvar, Me Sonet Saint Louis, etc…
Deuxièmement, ce pays a fait face à une crise pluridimensionnelle, elle est à la fois politique, économique et culturelle. Parlant de crise culturelle, Arendt eut à dire que la crise actuelle de la culture, est une des conséquences de l’effondrement de la tradition, de la religion et de l’autorité. En reconsidérant l’idée de Rousseau selon laquelle une révolution sociale ne se fait pas sans une révolution éducative, l’objectif de repenser le système éducatif haïtien pour parvenir à une paix durable en Haïti est plus qu’une nécessité.
Le spécialiste de l’éducation Yves Roblin dans son ouvrage qui s’intitule : « Les grands axes en matière d’éducation en Haïti »
Dans le premier chapitre du livre, l’auteur a montré que tous les acteurs de la vie nationale ont compris la nécessité de mobiliser davantage des ressources vers l’éducation, car l’investissement dans le domaine comporte toujours du bénéfice en terme de satisfaction psychologique, d’acquisition de connaissances, de savoir faire et de comportement des citoyens dans la vie politique, économique et sociale.
Comme étant un outil indispensable pour le respect de la diversité culturelle et la démocratie, à l’heure actuelle, le choix d’un Ministre de l’éducation en Haïti ne devrait pas être un choix politique uniquement, la technicité du choix est aussi fondamentale pour faire face à certains défis auxquels le système est en train de faire face.
Pour ce faire, l’urgence nécessite un ministre répondant à des critères suivants :
Un homme ou une femme honnête et intègre avant tout
Une bonne maîtrise du système éducatif haïtien
Un parcours académique et professionnel solide
Formation en planification de l’éducation.
Sens du dialogue
Sens d’innovation
Un bon ou une bonne gestionnaire
Compétence en médiation sociale et éducative
En conclusion, nous avons rédigé ce texte dans l’objectif d’apporter notre contribution à la stabilité d’Haïti à moyen et à long terme. En raison de cette situation de crise, la pensée éducative actuelle se heurte désormais à des questions fondamentales incontournables. Dans quel pays voulons-nous vivre ? Quel avenir souhaitons-nous offrir à nos enfants ? Qu’est- ce qui mérite d’être vu et regardé, lu et médité, entendu, appris et étudié. Ces questions sont essentielles et inévitable, car l’école ne peut ni refléter la totalité de la culture d’une société, ni transmettre l’ensemble des savoirs produit par cette société.
Selon Forquin, l’école doit forcément sélectionner, au sein de la culture globale, une culture partielle qu’elle considère exemplaire et porteuse d’avenir.
Edzer Emmanuel PIERRE,
Technicien en éducation, politologue,
Étudiant en Histoire, Mémoire et Patrimoine (Niveau de Maitrise)

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