Une rentrée scolaire sous le signe du courage et de la résilience
En ce début de l’année scolaire 2024-2025, la réalité du quotidien en Haïti est plus accablante que jamais. Un pays traversé par des bouleversements majeurs, où l’insécurité, la pauvreté, et le chômage deviennent des obstacles presque insurmontables. Les routes, autrefois voies de circulation vers l’éducation et le travail, sont aujourd’hui parsemées de barrages érigés par des hommes armés qui terrorisent les passants, exigeant des rançons pour un passage déjà miné par la peur et la précarité.
Au milieu de ce chaos, une nouvelle rentrée scolaire commence, mais à quel prix ? La cherté de la vie atteint des sommets, rendant difficile, pour de nombreuses familles, la simple idée de fournir à leurs enfants le nécessaire pour aller à l’école. Pourtant, aujourd’hui, nos élèves, nos petits Haïtiens, se rendent en classe, portés par une détermination exemplaire.
Pourtant, cette rentrée ne concerne pas seulement les élèves, mais aussi les enseignants. Ils bravent les dangers quotidiennement pour venir travailler, souvent avec la peur aux entrailles. Nombre d’entre eux font face à un dilemme angoissant : que faire lorsqu’ils se retrouvent face à un ancien élève devenu membre d’un gang armé ? La tension est palpable. Que peut-il arriver à un enseignant qui, des années plus tôt, a eu un conflit avec cet élève ? C’est une peur bien réelle qui les accompagne, car la violence n’épargne personne, et la ligne entre l’ancien élève et l’homme armé peut se traverser en un instant. Ces situations instables rendent l’environnement éducatif encore plus difficile et incertain pour ceux qui se trouvent en première ligne.
Il est indéniable que nous avons perdu de nombreux étudiants, partis vers d’autres horizons, notamment grâce au programme Biden. Ce programme a permis à plusieurs familles de fuir la capitale, surtout face à l’ascension fulgurante des gangs armés qui prolifèrent dans les zones urbaines. Toutefois, pour ceux qui restent, une réalité tout aussi difficile les attend. Malgré la faim, malgré la peur, malgré l’insécurité galopante, nos enfants revêtent leurs uniformes et se dirigent vers les écoles. Leur avenir est suspendu à ces journées d’apprentissage, même si tout semble conspirer contre eux.
Dans des zones comme Carrefour, où les postes de police sont désertés, où les commissariats sont laissés à l’abandon, nos enfants marchent sous le regard de l’insécurité, dans des rues contrôlées par des forces hostiles. Il n’y a pas de répit, pas de protection pour eux, et pourtant, ils continuent. Il n’y a pas non plus de structures suffisantes mises en place par l’État pour les soutenir dans cette rentrée scolaire. Les parents, impuissants mais résolus, envoient leurs enfants à l’école, avec l’espoir que ces derniers puissent échapper à l’engrenage de la violence et de la misère par la voie de l’éducation.
Cette rentrée scolaire n’est pas simplement le début d’une nouvelle année académique, c’est un acte de résistance. Face à une réalité où “ventre affamé n’a point d’oreille”, il est essentiel de se rappeler que la soif d’apprendre et la quête de savoir peuvent, elles aussi, être plus fortes que la faim. Il nous revient, en tant que société, de ne pas abandonner ces enfants, ces élèves, qui sont l’avenir d’Haïti. Chaque matin où ils se rendent à l’école est une victoire sur l’adversité, un pas vers un avenir meilleur.
Cependant, il ne faut pas se leurrer. La situation ne s’améliorera pas sans action concrète. Il est impératif que les autorités prennent la mesure de la gravité de la situation et fassent de l’éducation une priorité nationale. Des mesures de sécurité doivent être rétablies, notamment dans les quartiers sensibles, pour permettre aux élèves d’aller à l’école sans risquer leur vie. Il est également urgent de trouver des solutions à la crise économique qui frappe durement les familles haïtiennes. Si rien n’est fait, l’avenir de ces enfants sera sacrifié sur l’autel de l’indifférence et de l’inaction.
Enfin, nous devons reconnaître que, malgré tout, il reste une lueur d’espoir. Les enseignants, les parents, les directeurs d’écoles, et même les élèves eux-mêmes, font preuve d’un courage et d’une résilience admirables. Ils continuent de croire en un avenir meilleur pour Haïti, malgré les difficultés actuelles. Il nous appartient à tous de les soutenir dans cet effort.
En cette rentrée scolaire 2024-2025, souhaitons bonne chance à tous nos élèves. Que leur détermination soit récompensée et que leur chemin, bien que semé d’embûches, les mène vers des jours meilleurs. Le Tout-Puissant, en qui nous mettons notre foi, saura, espérons-le, nous venir en aide et alléger le fardeau de ces temps troublés. Que cette année scolaire soit pour eux, non pas un défi insurmontable, mais une occasion de grandir, d’apprendre, et de croire en des lendemains plus sereins.
Desiré Lucien