INSÉCURITÉ

Massacre à Cité Soleil : Récits glaçants des femmes et filles victimes de viols collectifs

ONM

A l’aube du 7 juillet 2022, une nouvelle guerre a éclaté à Cité Soleil entre les gangs armés faisant partie des deux (2) coalitions rivales, G-9 an Fanmi e Alye et G-Pèp, dirigées respectivement par Jimmy Chérizier alias Barbecue et Gabriel Jean Pierre alias Ti Gabriel ou Gabo.

Au cours du massacre qui s’en est suivi, de nombreuses exactions ont été commises, dont plusieurs cas de viols collectifs et répétés, perpétrés à l’encontre de femmes et de filles, ce, avec beaucoup de violence.

Le présent rapport centre l’attention sur les victimes survivantes des agressions sexuelles enregistrées. Il a pour but d’une part, de dénoncer ces agressions et d’autre part, de mettre à la disposition des autorités de police judiciaire et de la justice, des informations précises relatant les circonstances dans lesquelles celles-ci ont été perpétrées.

Rappel des faits

Du 7 au 17 juillet 2022, le G-9 an Fanmi e Alye a attaqué le quartier de Nan Brooklyn, dirigé par Gabriel Jean Pierre alias Ti Gabriel lui-même chef du G-Pèp. L’objectif de cette attaque est de rallier ce fief au G-9 an Fanmi e Alye qui contrôle déjà deux (2) des trois (3) grands blocs de Cité Soleil, savoir Bélékou et Boston dirigés respectivement par les chefs de gangs armés Iscard Andrice et Mathias Saintil.

La violence des affrontements qui ont alors été enregistrés a démontré que les gangs armés deviennent de plus en plus sanguinaires dans leurs stratégies d’intervention.

De plus, dès le début des attaques, la population victime a dénoncé la mise à la disposition des bandits armés du G-9 an Fanmi e Alye, de plusieurs engins lourds en provenance du Centre National des Equipements (CNE), un organisme de l’Etat et du Ministère des Travaux Publics Transport et Communication. Ces équipements ont été utilisés pour creuser un passage jusqu’au fief de Gabriel Jean Pierre qui résiste, avec son gang armé, depuis 2018, aux attaques répétées du G-9 an Fanmi e Alye.
Il convient cependant de souligner que le responsable du Service Logistiques du CNE, Dawin Laplante, rencontré par le RNDDH, a argué que les engins lourds du CNE ont été volés par les bandits armés. Les bandits, n’ayant pas pu manipuler les équipements, ont kidnappé Daniel Joseph, opérateur d’engins lourds de l’institution pour, dans un premier temps, récupérer des cadavres du gang armé dirigé par Mathias Saintil. Dans un second temps, Daniel Joseph a encore été kidnappé par un autre groupe de gangs armés dirigé par Tyson Samedi connu encore sous le nom de Tyson Jordan, en vue de démolir les maisons. Alors qu’il manipulait les engins et détruisait les maisons, il a reçu plusieurs balles et en est mort.

Le bilan de ce massacre non encore définitif – puisque le RNDDH continue de recevoir des informations relatives à des actes portant atteintes à la vie et à l’intégrité physique et psychique des citoyens-es – est déjà très lourd :

Plus de trois cents (300) personnes ont été assassinées. La plupart des cadavres ont été carbonisés. A date, le RNDDH a pu s’entretenir avec les proches de deux-cent-quarante-huit (248) parmi les victimes assassinées ;

Au moins vingt-deux (22) personnes ont été blessées par balles ou à l’arme blanche ;

Au moins cinquante-deux (52) femmes et filles victimes de viols collectifs et répétés avec lesquelles le RNDDH s’est entretenu ;

Au moins deux-cent-dix (210) maisons ont été détruites par les engins lourds du CNE et du Ministère des Travaux Publics Transport et Communication. La plupart d’entre elles ont été par la suite incendiées par les bandits armés du G-9 an Fanmi e Alye.

Victimes d’agressions sexuelles enregistrées

Tel que susmentionné, parmi les nombreux cas d’agressions sexuelles perpétrés du 7 au 17 juillet 2022, le RNDDH a pu en recenser cinquante-deux (52) et s’entretenir avec les victimes survivantes. Voici les récits qu’elles ont partagés :

Le 7 juillet 2022, E. P. née le 29 septembre 1998, marchande de boissons gazeuses, a quitté sa maison pour aller vaquer à ses occupations. Arrivée au Carrefour de La Mort, elle a été capturée par plusieurs bandits armés encagoulés. Ils l’ont trainée à Dèyè Mi, ont volé son argent puis l’ont violée l’un après l’autre ;

Le 7 juillet 2022, M.M.J. âgée de quarante-sept (47) ans était chez elle avec ses enfants à Projet Drouillard, Bloc K, lorsqu’au moins sept (7) bandits armés et encagoulés se sont introduits dans sa maison. Ils se sont mis à la frapper. Son fils ainé lui-même âgé de vingt-six (26) ans a voulu les en empêcher. Cela lui a valu d’être violemment battu. Ses deux (2) autres enfants, âgés respectivement de quinze (15) et de neuf (9) ans ont aussi été bousculés. Trois (3) parmi les bandits ont violé M.M.J. en présence de ses enfants ;

Le 7 juillet 2022, G.F., née le 28 août 1983, se trouvait chez elle à Soleil 17 et se préparait pour se rendre chez un proche à Bois Neuf lorsque des bandits armés ont investi sa maison et l’ont violée en présence de son petit garçon. Depuis lors, elle saigne abondamment et souffre d’atroces maux de ventre. Elle affirme aussi être devenue insomniaque ;

Le 7 juillet 2022, N.H., née le 28 juin 1985, mère de cinq (5) enfants, s’est rendue à Simon Pelé en compagnie de son conjoint Frantz Odisson, en vue d’acheter quelques marchandises. Arrivée à Dèyè Mi, N.H. a été violée par au moins six (6) bandits armés, en présence de son conjoint. Après l’avoir violée l’un après l’autre avec beaucoup de violence, ils l’ont forcée à assister à l’exécution de son conjoint ;

Le 7 juillet 2022, I.C., née le 1er janvier 1967 et mère de cinq (5) enfants, était accompagnée de cinq (5) autres femmes qui tentaient, comme elle, de fuir les affrontements à Cité Soleil. En cours de route, elles ont été surprises par des bandits armés qui les ont sévèrement bastonnées avant de les violer avec beaucoup de violence. Pour avoir résisté, I.C. a aussi été giflée à maintes reprises ;

Le 7 juillet 2022, A.C. née le 20 mars 1984, se trouvait chez elle à Soleil 17 lorsque des bandits armés ont pris d’assaut la zone. Trois (3) de ses enfants ont eu le temps de s’enfuir. Elle tentait de récupérer son plus jeune enfant, âgé de trois (3) ans lorsque sept (7) bandits armés encagoulés se sont introduits dans la maison. L’un des bandits lui a donné un violent coup de poing à l’abdomen parce qu’elle ne voulait pas qu’il la touche. Quatre (4) d’entre eux l’ont violée. L’enfant qui n’arrêtait pas de pleurer a reçu un coup de couteau au dos. Par la suite, A.C. a été sommée de s’en aller. Elle s’est rendue avec son enfant qui saignait, dans un centre de santé localisé à Cité Soleil ;

Le 7 juillet 2022, E.V., née le 5 avril 1992 et mère de trois (3) enfants se rendait à son travail lorsqu’arrivée à Dèyè Mi, elle a été enlevée par au moins six (6) bandits armés qui l’ont conduite dans un lieu abandonné. Ils l’ont alors maltraitée avant de la violer l’un après l’autre. Par la suite, ils lui ont demandé de courir. N’ayant pas pu, ils ont tiré dans sa direction. Elle a été atteinte de deux (2) balles dont l’une l’a effleurée au postérieur droit et l’autre s’est logée à sa hanche droite ; Elle a dû subir une intervention chirurgicale pour enlever ladite balle de sa hanche ;

Le 7 juillet 2022, K.F., âgée de trente (30) ans, se trouvait chez elle avec ses trois (3) filles lorsque des bandits armés s’y sont faufilés et lui ont demandé de leur livrer les hommes armés qu’elle cachait. Après avoir fouillé sa maison et n’ayant trouvé personne, ils ont violé K.F. puis ont mis le feu dans sa demeure ;

Le 7 juillet 2022, des bandits se sont introduits dans la maison de R.E. âgée de vingt-six (26) ans et mère de trois (3) enfants. Trois (3) parmi eux l’ont violée. Elle a été giflée à plusieurs reprises et des caillots de sang ont été remarqués dans son œil droit ;

Le 7 juillet 2022, M.A.R. mineure née le 2 juin 2008 ainsi que ses deux (2) petits frères ont été emmenés sur la place publique Shalom située à Soleil 17, par leur mère. Le 8 juillet 2022, M.A.R. a été violée par des bandits armés, en absence de sa mère qui était allée chercher à manger ;

Le 8 juillet 2022, E.P., âgée de vingt-quatre (24) ans s’était barricadée chez elle à Bloc L, Cité Soleil lorsque trois (3) hommes armés et encagoulés ont frappé à sa porte, la menaçant de mettre le feu, si elle n’ouvrait pas. Sa fillette de trois (3) ans qui pleurait et suppliait les bandits de ne pas tuer sa mère a été bousculée. Pour sa part, E.P. a été menacée et injuriée avant d’être violée par l’un des bandits, en présence de sa fillette ;

Le 8 juillet 2022 A-M.J., née le 20 avril 1978, fuyait les affrontements armés lorsqu’elle a été interceptée sur la route de Site Katon, entre Soleil 9 et 17, par un bandit armé. Elle a été violée ;

Le 8 juillet 2022, E.J. née le 1er février 2002, fuyait Cité Soleil lorsqu’arrivée à Dèyè Mi, elle a été interceptée par quatre (4) bandits armés. Ils l’ont conduite sur un terrain abandonné et lui ont posé un ensemble de questions sur les relations qu’elle entretenait avec le chef de gang opérant à Projet Drouillard et dénommé Ronald. Tout au long de la séance de questions, elle a été menacée et frappée à plusieurs reprises. Par la suite, elle a été violée avec beaucoup de violence par les bandits susmentionnés, au point de tomber en syncope. A son réveil, elle s’est rendu compte qu’il faisait nuit et qu’elle se trouvait au Carrefour de la Mort situé non loin de Bois Neuf. C’est là qu’elle a appris avoir été secourue par une autre femme qui avait aussi été emmenée sur le terrain abandonné pour être violée. E.J. est enceinte de cinq (5) mois ;

Le 8 juillet 2022, G.P-L. née le 12 décembre 1977 et mère de deux (2) enfants se trouvait chez elle dans le quartier de Bois Neuf, à Cité Soleil. Ce jour-là, des bandits armés ont fait irruption dans sa demeure, l’ont battue, maltraitée humiliée avant de la violer avec beaucoup de violence. Par la suite, ils ont incendié la maison. Aujourd’hui, G.P-L. souffre de maux de tête et de picotements. Elle est aussi devenue insomniaque depuis les événements ;

Le 8 juillet 2022 R.V. âgée de trente-six (36) ans était chez elle à Soleil 9 avec son conjoint David Henry et ses quatre (4) enfants lorsque des bandits armés ont envahi la zone. Ils sont sortis de la maison pour fuir. Son conjoint a reçu une balle à la tête et son cadavre a été emporté. Pour sa part, R.V. s’était cachée avec son fils de sept (7) ans, dans une vielle maison abandonnée. Trois (3) hommes lourdement armés et encagoulés les y ont suivis. Ils ont tabassé R.V., lui ont administré des coups de fusil avant de la violer tour à tour, en présence de son fils ;

Le 8 juillet 2022, D.A. âgée de vingt-six (26) ans dormait chez elle à Soleil 17 b, zone Shalom, Sou Tè, avec son conjoint Dodly Lafleur et ses deux (2) enfants respectivement âgés de cinq (5) ans et de six (6) mois. Aux environs de 4 heures du matin, plusieurs hommes armés et encagoulés ont brisé la porte et se sont introduits dans la maison. Ils ont tué le conjoint de D.A. d’une balle à la tête et l’un d’entre eux lui a mis la main sur la bouche pour l’empêcher de hurler, tout en l’accusant d’être la conjointe de Gabriel Jean Pierre alias Ti Gabriel. Par la suite, quatre (4) parmi les bandits l’ont violée. Et, elle n’a eu la vie sauve que parce qu’un des bandits – parmi ceux qui ne l’avaient pas violée – a demandé aux autres de ne pas la tuer. Elle s’est réfugiée avec ses enfants sur la place Vanité mais depuis le drame, sa fillette de cinq (5) ans qui a assisté à l’assassinat de son père et au viol collectif de sa mère, n’arrête pas de pleurer et de réclamer son père ;

Le 8 juillet 2022, R.G.C.A. âgée de vingt-neuf (29) ans, était sur le point de fuir sa maison à Soleil 17 avec ses trois (3) enfants lorsque deux (2) bandits armés l’ont interceptée. Elle a été violée avec beaucoup de violence, en présence de ses enfants. Depuis cette agression, elle a d’énormes pertes de sang ;

Le 8 juillet 2022, A.P. âgée de quarante (40) ans, rentrait chez elle à Soleil 9 dans une camionnette de transport en commun, après ses activités commerciales au centre-ville. Non loin de Dèyè Mi, des bandits armés ont stoppé la camionnette et intimé l’ordre au chauffeur de laisser les passagers-ères sur place et de rebrousser chemin. Tous les hommes qui étaient à bord, ont été assassinés puis calcinés. Toutes les femmes dont A.P., ont été violées à plusieurs reprises. Elles ont aussi été dépouillées de leurs avoirs avant d’être autorisées à continuer leur route ;

Le 8 juillet 2022, E.D. née le 11 novembre 1987 et mère de cinq (5) enfants a été violée chez elle à Projet Drouillard par plusieurs bandits armés. Elle avait cessé de compter à partir de son troisième agresseur. Aujourd’hui, la victime affirme avoir du mal à se tenir debout ;

Le 8 juillet 2022, aux environs de 5 heures du matin, des bandits armés se sont introduits dans la demeure de W.B. née le 10 février 1997 et mère de trois (3) enfants. Ils l’ont giflée à plusieurs reprises, ont exécuté son conjoint Claudy Charles en sa présence et l’ont violée avant de mettre feu dans sa maison ;

Le 8 juillet 2022, la maison de M-A.N., âgée de trente-huit (38) ans et mère de quatre (4) enfants, a été incendiée à Sou Tè, Cité Soleil. Ses enfants ont été accueillis par un proche et, elle s’était réfugiée pour sa part, chez un homme qui habite à Projet Drouillard et qui a bien voulu l’héberger. Elle y est restée pendant deux (2) jours au cours desquels elle a été violée par l’homme en question. Le troisième jour, elle a profité de l’absence de son agresseur pour s’échapper ;

Le 8 juillet 2022, B.P. âgée de dix-neuf (19) ans, marchande de chaudières, s’était rendue au centre-ville. Ayant été informée de l’aggravation de la situation à Cité Soleil, elle a voulu retrouver sa fillette de deux (2) an et son petit garçon de trois (3) mois laissés sous la surveillance d’une proche. Arrivée à Dèyè Mi, elle a été enlevée par des bandits armés qui l’ont séquestrée pendant trois (3) jours au cours desquels elle a été violée à plusieurs reprises et menacée de mort. Finalement, elle a été relâchée ;

Le 8 juillet 2022, à Sou Tè, des bandits armés ont fouillé plusieurs maisons à la recherche de Gabriel Jean Pierre alias Ti Gabriel. Cinq (5) d’entre eux, encagoulés, se sont introduits dans la maison de M-A.A. âgée de trente-trois (33) ans et mère de deux (2) enfants. Ils l’ont bastonnée ainsi que ses enfants avant de la violer en leur présence ;

Le 8 juillet 2022, J.C., âgée de trente-deux (32) ans, s’enfuyait avec ses quatre (4) enfants lorsque des hommes armés l’ont interceptée à Soleil 9, non loin de sa maison, ont déchiré ses vêtements avant de la violer ;

Le 8 juillet 2022, S.J.C. née le 4 mai 1995 qui habitait à rue Ecclésiaste, Sou Tè, Soleil 17, tentait de s’enfuir lorsqu’elle a croisé, dans un corridor près de chez elle, des hommes armés et encagoulés. Deux (2) d’entre eux l’ont violée avant de la sommer de partir ;

Le 8 juillet 2022, M.J. née le 8 juin 1995 rentrait chez elle à Sou Tè, Soleil 17 lorsqu’arrivée au seuil de sa maison, elle a été accueillie par des bandits armés et encagoulés qui l’ont bousculée à l’intérieur. Elle a alors remarqué le cadavre de son conjoint Mario Augustin qui gisait par terre. Les bandits lui ont arraché ses vêtements et l’ont giflée à plusieurs reprises. Trois (3) d’entre eux l’ont violée. Elle souffre depuis de fortes douleurs au vagin et rencontre d’énormes difficultés à s’asseoir et à rester assise ;

Le 8 juillet 2022, C.P. née le 26 février 1999, était chez elle à Soleil 9 avec sa fillette de trois (3) ans lorsque plusieurs hommes armés et encagoulés ont envahi sa maison. Ils l’ont giflée et deux (2) d’entre eux l’ont violée. Ensuite, ils lui ont intimé l’ordre de s’enfuir avec sa fillette, en mettant ses deux (2) mains sur la tête ;

Le 8 juillet 2022 M.F-A. née le 30 mai 1988 se trouvait chez elle avec ses enfants lorsque plusieurs hommes armés et encagoulés sont rentrés dans sa maison. Ils lui ont administré des coups de poing au visage, touchant son œil droit. Par la suite, elle a été violée par au moins trois (3) des bandits. Depuis, elle voit trouble, souffre de démangeaisons et de pertes vaginales abondantes ;

Le 8 juillet 2022, K.B. née le 30 janvier 1983 a fui Bois Neuf et s’est réfugiée chez des proches à Sou Tè car sa maison a été incendiée le 7 juillet 2022. Dans la soirée du 8 juillet 2022, K.B. a été enlevée par trois (3) bandits armés qui l’ont conduite dans une vieille maison. Ces derniers l’ont accusée d’être la conjointe de Gabriel Jean Pierre alias Ti Gabriel. Pour la punir, ils l’ont violée à tour de rôle. K.B. est mère d’un jeune homme âgé de vingt-trois (23) ans et estime que ses agresseurs auraient pu être ses propres fils ;

Le 8 juillet 2022, D.S., née le 16 février 1998 se trouvait chez elle à Soleil 9 en compagnie de son bébé de dix (10) mois, lorsqu’aux environs de 4 heures du matin, des bandits armés ont surgi soudainement dans sa maison et, sans rien lui dire, se sont mis à déchirer ses vêtements. Elle a tenté de résister mais, cela n’a pas servi à grand-chose car, elle a été violée par trois (3) bandits armés. Depuis, D.S. souffre d’atroces maux de tête ;

Le 8 juillet 2022, C.T., née le 21 février 1987, enceinte de quatre (4) mois, se trouvait chez elle à Soleil 9, en compagnie de sa fillette de deux (2) ans lorsque des bandits armés ont forcé sa porte et pénétré dans sa maison. Elle a été violée avec beaucoup de violence en présence de sa fillette. Depuis, le bébé qu’elle porte ne bouge plus autant qu’avant, elle souffre d’atroces douleurs au bas-ventre et marche difficilement ;

Le 9 juillet 2022, J.D. âgée de vingt-deux (22) ans et mère d’un petit garçon de neuf (9) mois, a été violée par trois (3) hommes armés. Elle était allée ce jour-là chercher de la nourriture chez ses proches à Cité Militaire. En retournant chez elle à Projet Drouillard, elle ainsi que quatre (4) autres femmes qui l’accompagnaient, ont été surprises par des bandits armés qui les ont bastonnées avant de les violer l’une après l’autre. Depuis, J.D. souffre de pertes vaginales ;

Le 9 juillet 2022 N.A. née le 24 juin 1996, se trouvait chez elle à Projet Drouillard, Bloc L 131, en compagnie de son concubin et de son fils lorsque des bandits armés, encagoulés sont rentrés chez elle. Certains d’entre eux ont emmené son conjoint Gérald Jacques. Quatre (4) autres sont restés sur les lieux et l’ont violée tour à tour. Depuis, elle n’a plus revu son conjoint ;

Le 8 juillet 2022, F.A., née le 1er décembre 1995 fuyant Linthau 2, Cité Soleil, s’était réfugiée sur la place publique de Hugo Chávez. Dans la soirée du 9 juillet 2022, elle a été violée par deux (2) bandits armés qui avaient fait irruption sur la place. Avant de la violer, ils l’ont accusée d’être la conjointe de Gabriel Jean Pierre alias Ti Gabriel ;

Le 9 juillet 2022, dans la soirée, F. O., née le 22 avril 1987 a été violée par trois (3) hommes armés sur la place publique Hugo Chavez en présence de ses quatre (4) enfants âgées respectivement de dix-huit (18), quinze (15), huit (8) et quatre (4) ans. Ses agresseurs ont voulu aussi violer sa fille de quinze (15) ans. C’est un des leurs qui après avoir entendu les supplications de F.O., s’y est opposé, arguant qu’il avait aussi une sœur ;

Le 9 juillet 2022, N.B., âgée de trente (30) ans, enceinte de deux (2) mois et mère de quatre (4) enfants, a été violée à Dèyè Mi. Elle a tenté de résister ce qui lui a valu d’être violemment giflée par son agresseur. Elle affirme que depuis, elle souffre de gratelle ;

Le 9 juillet 2022, J.P., née le 8 juin 1981, mère de cinq (5) enfants dont deux (2) filles, a fui Soleil 9 et s’est réfugiée sur la place publique Hugo Chavez. Vers 21 heures, des hommes armés ont fait irruption sur la place et ont violé plusieurs femmes dont J.P. Celles qui ont tenté de résister ont été sévèrement battues et menacées de mort ;

Le 9 juillet 2022, D.E. âgée de vingt-et-un (21) ans se trouvait chez elle à Projet Drouillard, Bloc M, en compagnie de ses enfants et de son conjoint Mackenly Beauplan, lorsque cinq (5) bandits armés et encagoulés, ont frappé à leur porte. Ils ont menacé de mettre le feu à la maison s’ils n’ouvraient pas. Deux (2) d’entre eux ont violé D.E. en présence de son conjoint et de ses enfants. Parce qu’il implorait les bandits armés de ne plus toucher la victime, Mackenly Beauplan a reçu une balle au pied. Par la suite, les trois (3) autres bandits ont violé D.E. Puis, ils sont partis en emmenant Mackenly Beauplan. D.E. ne l’a jamais revu depuis. Aujourd’hui, D.E. regrette d’avoir ouvert la porte de sa maison et affirme qu’elle aurait préféré brûler vive plutôt que d’avoir subi ce par quoi elle est passée ;

Le 9 juillet 2022, R.E.S-C. née le 14 décembre 1979 se trouvait seule chez elle à Projet Drouillard lorsque plusieurs individus armés ont investi sa maison, l’ont bastonnée avant de déchirer ses habits et de la violer, l’un après l’autre. Elle ne peut dire combien de bandits l’ont agressée. Au retour de son conjoint qui était parti tôt dans la matinée vaquer à ses occupations, elle a dû lui raconter les faits ;

Dans la soirée du 9 juillet 2022, G.C. née le 23 octobre 1991 se trouvait chez elle à Sou Tè, Soleil 17 lorsque des hommes armés et encagoulés sont rentrés dans la maison. Ils l’ont battue violemment en présence de son fils âgé de douze (12) ans qui a reçu plusieurs gifles parce qu’il pleurait. Deux (2) parmi les bandits ont violé G.C. en présence de son fils. Depuis, elle souffre d’une hémorragie ;

Le 10 juillet 2022, C.P. née le 8 octobre 1998 et mère de trois (3) enfants se trouvait à Dèyè Mi lorsqu’elle a été interceptée par des bandits armés puis a été violée. Elle avait perdu son conjoint Démelet Saintilus et sa petite fille de deux (2) ans Sherlanda Joseph le 8 juillet 2022. Feu avait été mis à leur corps. Cependant, elle a dû aller chercher à manger pour ses deux (2) autres enfants qui assiégés, mourraient de faim à la maison. Depuis les agressions sexuelles collectives subies, elle est malade et est devenue insomniaque ;

Le 10 juillet 2022 dans la soirée, E.M., née le 7 avril 1992 et mère d’une fillette âgée de deux (2) ans se trouvait chez elle, à Projet Drouillard lorsque plusieurs individus armés ont frappé à sa porte, lui faisant injonction d’ouvrir. Dès qu’elle a ouvert la porte, ils lui ont sauté dessus et se sont mis à la violer à tour de rôle et à plusieurs reprises ;

Le 11 juillet 2022, M.Y.D. âgée de quarante-trois (43) ans, ayant appris que son conjoint Mérilord Dérusmé a été tué à Dèyè Mi la veille, soit le 10 juillet 2022, s’y est rendue dans le but de récupérer le cadavre. Arrivée sur les lieux, elle a été accueillie par trois (3) bandits armés encagoulés qui l’ont giflée puis violée. Elle n’avait pas trouvé le cadavre de son conjoint ;

Le 11 juillet 2022 J.L. âgé de trente-quatre (34) ans, enceinte de sept (7) mois et son conjoint Jean Mary Pierre sont sortis acheter de la nourriture et de l’eau pour leurs enfants. A leur retour, vers seize (16) heures, ils ont croisé à Dèyè Mi, des individus armés. Certains ont emmené Jean Mary Pierre et d’autres l’ont conduite dans une vieille maison isolée située à Terre Noire. J.L. a été battue avec un bâton et a été giflée à plusieurs reprises lors d’une séance d’interrogatoire, au cours de laquelle, elle a été questionnée sur les relations qu’elle entretenait avec Gabriel Jean Pierre alias Ti Gabriel ou Gabo. Accusée d’avoir menti, elle a été violée par quatre (4) des bandits puis sommée de courir ;

Le 11 juillet 2022, après avoir passé plusieurs jours, enfermée chez elle avec sa fille de six (6) ans, J.P., âgée de vingt-sept (27) ans, était sortie en vue de s’approvisionner en eau et en nourriture. Arrivée à Dèyè Mi, elle a été violée puis séquestrée par ses agresseurs pendant trois (3) jours. Lorsqu’elle a été relâchée, elle s’est rendue au Centre de santé Lanp, situé à Cité Soleil ;
Le 12 juillet 2022, dans la soirée, M.M. née le 26 août 1992, a été violée par des bandits armés alors qu’elle se trouvait sur la galerie de la maison d’un particulier, localisée à Sou Tè. M.M. dormait là depuis quelques jours, sa maison ayant été incendiée le 7 juillet 2022 par les bandits armés. Depuis, M.M. souffre d’atroces maux de ventre ;

Le 12 juillet 2022, G.S., âgée de trente-cinq (35) ans ainsi que trois (3) autres femmes qui l’accompagnaient, se trouvaient à Dèyè Mi lorsqu’elles ont été violées par des bandits armés. G.S. avait laissé ses deux (2) garçons à la maison pour aller chercher de quoi les nourrir car leur zone était assiégée depuis le 7 juillet 2022. Le seul homme qui les accompagnait et dont elle ignore le nom, a été assassiné par les bandits armés ;

Le 14 juillet 2022, aux environs de quatre (4) heures du matin, C.M.S.S., née le 10 mai 1984, marchande ambulante de figues bananes, était en route avec plusieurs autres passants-tes pour aller vaquer à ses activités. Un bandit armé a fait semblant de les aider à traverser la zone en toute sécurité. Tout le long du chemin, il posait à C.M.S.S. des questions sur les relations qu’elle entretenait avec Gabriel Jean Pierre. Arrivés au Carrefour de La Mort, plusieurs autres bandits qui étaient en embuscade ont fait feu en l’air, obligeant les passants-tes à s’arrêter. Celui qui posait des questions à C.M.S.S., lui a alors affirmé qu’il estimait qu’elle mentait. Et, pour la punir, il l’a trainée à Dèyè Mi où il l’a violée avec beaucoup de violence. Tout au long de l’agression, le bandit n’a jamais cessé de la menacer de la tuer si elle osait crier. Aujourd’hui, elle craint d’avoir attrapé une maladie sexuellement transmissible ou d’être tombée enceinte ;

Le 15 juillet 2022 aux environs de 15 heures, M.N. âgée de vingt (20) ans, se trouvait chez elle avec sa mère et ses petits frères à Projet Drouillard, en face de Bois Neuf, lorsque trois (3) hommes lourdement armés et encagoulés ont frappé à sa porte et ont demandé de leur ouvrir. Deux (2) d’entre eux se sont introduits dans la maison alors que l’autre est resté devant la porte, pour faire le guet. L’un des bandits a poussé M.N. qui est tombée sur le sol et à commencer à la violer. Sa mère qui souffre d’une mobilité réduite, a été frappée par les bandits pour les avoir suppliés de ne pas toucher sa fille. M.N. a été violée par les deux (2) bandits armés qui étaient entrés chez elle, en présence de sa mère et de ses frères ;

Le 16 juillet 2022, R-M.A. née le 31 décembre 1987, tentait de rentrer chez elle en compagnie de plusieurs personnes qui, comme elle, avaient fui Cité Soleil et avaient passé trois (3) jours dans les rues. Arrivées à Dèyè Mi, R-M.A. ainsi que les autres femmes qui l’accompagnaient ont toutes été bastonnées puis violées. Par la suite, elles ont été forcées de crier « Aba Ti Gabriel, Viv G-9 » pour être autorisées à rentrer chez elles ;

Le 16 juillet 2022, L.L. âgée de dix-neuf (19) ans et mère d’une fillette de neuf (9) mois, était sortie acheter une bougie pour éclairer sa maison. Sur son chemin de retour, elle a été interceptée par deux (2) bandits armés qui l’ont violée à tour de rôle. L.L. avait laissé la fillette endormie, seule à la maison ;

Le 17 juillet 2022, J.T., née le 3 octobre 1995, était sortie vaquer à ses occupations, laissant ses filles chez elle, à Projet Drouillard, Bloc H, en compagnie de sa mère. Dans l’après-midi elle n’a pas pu rentrer à la maison en raison de la situation de tension qui sévissait dans la zone et du fait que les routes étaient à nouveau barricadées. J.T. s’est donc réfugiée dans un parc d’animaux situé non loin de Dèyè Mi, pour y passer la nuit. Elle était en compagnie de plusieurs autres personnes qui tentaient aussi de rentrer chez elles. J.T. dormait sous un trailer lorsqu’elle a été violée tour à tour, par trois (3) individus qui l’ont immobilisée et lui ont mis la main sur la bouche.

Commentaires et Recommandations

Du 7 au 17 juillet 2022, dans cette nouvelle guerre enregistrée à Cité Soleil, encore une fois, personne n’a été épargnée. Si la plupart des hommes rencontrés par les bandits armés ont été assassinés, pour leur part, les femmes et les filles ont été systématiquement violées, battues et humiliées.

Les récits de ce rapport révèlent que parmi les cinquante-deux (52) femmes et filles victimes de viols collectifs et répétés, rencontrées par le RNDDH :

Une (1) mineure a été recensée. Elle est âgée de quatorze (14) ans.
Douze (12) survivantes sont âgées de dix-huit (18) à vingt-cinq (25) ans ;
Trente-huit (38) survivantes sont âgées de vingt-six (26) à quarante-neuf (49) ans ;
Une (1) survivante est âgée de cinquante-cinq (55) ans.

De plus, vingt (20) parmi les victimes ont été violées en présence de leur progéniture et une (1) autre, en présence de ses parents. Deux (2) autres victimes ont été violées en présence de leur conjoint.

Six (6) victimes ont assisté à l’exécution de leur conjoint avant d’être violées à leur tour et quatre (4) autres ont été violées en dépit de leur grossesse.

Quatorze (14) parmi les victimes ont été violées à Dèyè Mi.

Aucun agresseur n’a utilisé de protection et les victimes pour la plupart n’ont pas pu se rendre à l’hôpital dans le délai de soixante-douze (72) heures, recommandé par les médecins pour se soumettre à une prophylaxie antirétrovirale. Les raisons sont nombreuses : incapacité de se déplacer en raison des affrontements, séquestration des victimes par leurs agresseurs, manque de connaissance en la matière, peur de la prophylaxie pour l’avoir déjà suivie, etc.

Les personnes ayant assisté aux viols collectifs de leurs proches, rencontrées par le RNDDH, sont nombreuses à nourrir un sentiment de culpabilité, estimant qu’elles auraient dû intervenir pour éviter une telle atrocité, quitte à perdre la vie. Les victimes survivantes sont aussi nombreuses à regretter d’être encore en vie.

A ce stade, le RNDDH estime de son devoir de rappeler qu’à chaque attaque armée dans les quartiers défavorisés, ce sont les personnes les plus vulnérables qui sont les premières victimes, c’est-à-dire, les enfants, les femmes et les filles, les personnes du troisième âge, les personnes à mobilité réduite ainsi que les personnes souffrant d’un handicap sensoriel.

Lors de ces événements sanglants, le corps des femmes et des filles est souvent utilisé comme arme de guerre, pour atteindre le groupe rival. Et justement, plusieurs parmi les survivantes rencontrées dans le cadre de cette enquête ont témoigné avoir été soumises à un interrogatoire avant d’être violées comme punition par les bandits armés qui leur reprochaient d’entretenir des relations privilégiées avec le chef de gang Gabriel Jean Pierre alias Ti Gabriel.

De nombreux viols ont été enregistrés lors des seize (16) massacres et attaques armées, perpétrés de 2018 à 2022 et documentés par le RNDDH. Cependant, au cours de celui de Cité Soleil enregistré du 7 au 17 juillet 2022, le nombre de victimes d’agressions sexuelles a exponentiellement augmenté.

Le RNDDH continue de dénoncer la facilité d’accès du G-9 an Fanmi e Alye, aux matériels et équipements de l’Etat. Le RNDDH souligne en ce sens qu’au cours du massacre à Cité Soleil objet de ce rapport, des engins lourds du CNE et du Ministère des Travaux Publics Transport et Communication ont été mis à la disposition du G-9 an Fanmi e Alye qui bénéficie aussi de la protection de certaines unités spécialisées de la Police Nationale d’Haïti (PNH).

Par ailleurs, le RNDDH rappelle que le 11 août 2005, un décret portant sur le régime des agressions sexuelles et incriminant le viol, a été adopté. Il condamne de dix (10) ans jusqu’à perpétuité, toute personne impliquée dans un cas de viol et tient compte des circonstances aggravantes d’âge de la victime, d’autorité de l’agresseur par rapport à la victime ou de complicité avec d’autres agresseurs, dans la perpétration dudit crime.

De 2006 à 2019, de nombreux efforts ont été enregistrés pour réprimer sévèrement les crimes sexuels. Pour cette période, au moins six-cent-quatre-vingt-neuf (689) individus ont été condamnés par l’appareil judiciaire haïtien, soit une moyenne de quarante-neuf (49) condamnations par année.

Cependant, depuis 2019, les procès relatifs à des cas d’agressions sexuelles se sont raréfiés. Et, c’est justement cette raréfaction des audiences pour crimes sexuels qui, consacrant la systématisation de l’impunité, porte les bandits à s’adonner à des cas de viols collectifs et répétés, sans peur d’être poursuivis et condamnés, conformément à la Loi.

Enfin, le RNDDH condamne encore une fois la passivité des autorités étatiques qui, en fermant les yeux sur les massacres et attaques armées dans les quartiers défavorisés ainsi que sur les exactions qui y sont commises, continuent de se faire complices des bandits armés. Elles n’ont jamais rien fait en vue de freiner ces événements sanglants. Les victimes ne bénéficient, pour leur part, d’aucune forme d’assistance. Pire, les bourreaux de la population haïtienne sont aujourd’hui très puissants auprès de la coalition politique actuellement au pouvoir. Par ce comportement, les autorités étatiques ne font que prouver le degré de leur mépris pour la vie de la population haïtienne.

Fort de tout ce qui précède, le RNDDH recommande aux autorités étatiques :

De fournir une assistance médicale et psychosociale aux victimes de viols collectifs et répétés ainsi qu’à leurs proches ;

Poursuivre et punir tous les individus impliqués dans les viols collectifs et répétés perpétrés à l’encontre des survivantes de Cité Soleil.

RNDDH