Éditorial

LE BANDITISME, UN FLÉAU A ÉRADIQUER

ONM

On ne peut pas être plus inquiet, ni plus anxieux que quand, dans une conversation, on évoque le terme de banditisme qui rappelle les cruautés et les mauvais souvenirs des populations et des familles qui fréquentent ou qui habitent des lieux comme Cité Soleil, Fort-Mercredi, Martissant, Thomazeau, Village de Dieu, Grand’Ravine, Carrefour Paye(Artibonite), etc et plusieurs autres zones du territoire, réputées de « Non-Droit ». On a l’impression que le mot « banditisme », en laissant le paysage haïtien, change de définition, car, sous ce vocable, le dictionnaire français désigne l’ensemble des actes criminels, répréhensibles exécutés de façon organisée par des truands dont le souci est de faire du tort, de s’enrichir aux dépens de paisibles citoyens, d’accumuler des richesses en dehors des cadres légaux, des normes et des principes conventionnellement admis. En Haïti, au contraire, le banditisme tend à être perçu au cours de ces derniers temps comme une carte de visite, un fait normal qui doit s’harmoniser avec notre façon de 

faire, de vivre, de nous comporter au point que, au substantif « bandit », on ajoute l’adjectif »légal »: d’où « bandit légal ».

 

Ainsi dénommés, les bandits ne sont pas perçus comme des hors la loi, mais ont désormais leur place dans la communauté. C’est pourquoi ils sont reçus par des parlementaires, qu’ils ont des appels téléphoniques avec un premier ministre qui ne l’a pas caché d’ailleurs, des autorités politiquement haut placées, des chefs de partis politiques tant au niveau du pouvoir que dans l’opposition, des commerçants, etc. Leur voix est retentie sur plusieurs médias et sur les réseaux sociaux qui leur donnent droit de cité. Cependant tout le monde sait ce que font ces malfrats. Ils font souffrir tout le corps social haïtien par des actes de vol, de viol, de rapines, des trafic de stupéfiants, sans compter les assassinats révoltants, insensés ainsi que des kidnappings et des attentats hystériques et crapuleux. Ils défient les institutions républicaines et imposent leur volonté et leurs conditions au public fatigué et sans secours, de même qu’à des autorités de façade sans prestige et sans dignité.

 

 Face à cet imbroglio et à cette turpitude, il importe de voir clair et de bien comprendre les enjeux sociologiques; ainsi à l’analyse des faits. Il devient évident que ces éléments malfaiteurs n’agissent pas de leur propre chef. Ils ont des patrons. 

 

Leur formation académique et professionnelle rudimentaire, négligée, parfois inexistante de même que leur situation socioéconomique précaire font d’eux des humanoïdes, de vrais instruments à manipuler. Ainsi on les voit ou bien aux services de certains mercantiles bluffeurs, sans scrupule et sans vergogne qui les poussent à perpétrer des crimes ignomineux pour défendre leurs intérêts, leurs privilèges sociaux et financiers ou bien de quelques intrigants et dangereux politicards qui aspirent arriver au pouvoir par la fraude et par des moyens détournés en réduisant leurs adversaires à l’immobilisme et les électeurs hostiles à l’intimidation. Ces potentats que l’on désigne encore sous l’appellation de « Colosses aux pieds d’argile » sont des gens connus: le pays étant petit, tout se sait. Personne cependant n’ose les dénoncer, ni les citer. Ce sont des intouchables, couverts par des parapluies. Ainsi pour éradiquer le banditisme comme fléau conviendrait-il de s’attaquer d’abord à eux et à leurs atroces démarches de sorte que, comme l’a si bien dit Mao Tsé-toung, on parvienne à séparer le poisson de l’eau. L’administration actuelle qui dirige le pays agit tout autrement en créant une commission de médiation avec les bandits: la CNDDR. Cette institution-bidon non prévue par la Constitution en vigeur, ni par les lois de la République, est un trompe-l’oeil pour la consommation internationale. Incapable de calmer les appréhensions de la population, cette commission ne fait que l’agacer en augmentant sa frustration et son indignation. 

      On ne négocie pas avec les bandits dans un Etat fort, responsable et civilisé.

Fort de ce constat, on peut affirmer que les vrais bandits ne sont pas forcément les va-nu- pieds qui habitent les taudis dans des quartiers sordides et populeux, mais ceux-là qui les supportent en leur fournissant de fortes sommes d’argent, en les alimentant en armes de tous calibres et en minutions.

Ces grands manitous, chefs effectifs des gangs, par conséquent fossoyeurs du corps social, tapissent dans l’ombre et passent des ordres. Ils ont de solides connexions autant pour pratiquer leur forfait que pour bien mener leur jeu subtile et macabre au point de donner raison à l’auteur de l’ouvrage: « ISMAEL ISRAEL, 100 ans de guerre pour la terre sainte », Patrick H. Mercillon qui a écrit: « dans aucun pays du monde des personnes privées n’ont le droit d’introduire de l’armement sur le territoire national sans une autorisation gouvernementale. » Même en Haïti, singulier petit pays pour paraphraser Edmond Paul, on ne peut pas introduire des armes sur le territoire sans l’autorisation du pouvoir établi.

 Vu sous cet angle, on peut noter sans ambages que le banditisme comme fléau n’est pas différent du Coronavirus qui continue à augmenter la liste des nouveaux cas, le nombre des nouvelles victimes sans tenir compte des identités: il suffit de négliger les consignes sanitaires ou d’être au mauvais endroit au mauvais moment. Ainsi on a constaté que le banditisme crée des pertubations et de grandes difficultés dans la circulation des personnes et des biens sur le territoire national. On peut, à ce niveau, déduire que la faute revient aux dirigeants complaisants et irresponsables, beaucoup plus interressés à pratiquer la duperie, considérée par Léon Trosky, de son vrai nom Lev Davidovitch Bronstein, comme étant la pire méthode en politique : ce qui a pour conséquence l’effondrement des institutions étatiques et républicaines telles que la police et la justice, instituant de ce fait : l’Etat voyou. Ce qui se passe à Villlage de Dieu, à Grand’Ravine, etc , en est de vibrantes illustrations, car dans un Etat de droit et d’équité, la politique est un habile et savant dosage entre la cruauté et la manipulation des évènements, laissant ainsi à l’histoire le droit de juger des opportunités et c’est, en toute justice, que l’on parvient à comprendre pourquoi les politologues et les juristes admettent que l’Etat a le monopole de la violence légitime. Au cas où les autorités établies font du faux-semblant, refusent de s’acquitter de la mission qui leur est assignée, la population souffrante a la possibilité de parer au plus pressé à la résistance pour contraindre l’Etat à remplir ses obligations en dépit de cette triste période marquée par la pandémie COVID-19 que certains veulent utiliser comme podium de démagogie et de chantage.

Trop, s’en est trop! On est fatigué. On devient exsangue. La science politique nous révèle et nous enseigne que le gouvernement qui n’arrive pas à protéger ses concitoyens, perd la confiance du grand public.

 

Yves Hubert Barreau

Léogâne

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