Idées

La fameuse affaire Muscadin : entre justice et effondrement de l’État

ONM

Il faut admettre que depuis bien longtemps que nous ne sommes guère dans une situation de droit, mais de fait. Les socles de la légalité ont sauté depuis bien des lustres. Tout fonctionne en dehors de la loi. Les institutions, les instances de pouvoir, bref l’Etat, en-soi, ne s’assoie sur aucun standard juridique. On dévale depuis bien longtemps la pente d’un État de nature ne disant pas son nom.

 

En effet, comment serait-ce possible dans un État de droit, l’idée du « banditisme légal »? Non, dans un État de droit, on ne saurait imaginer voire tolérer l’existence d’un groupe de délinquants se hisser sans ambage à la tête de l’Etat, ou l’existence d’un groupe de bandits qui sont à la solde du gouvernement. Comment serait-il envisageable dans un État de droit cette situation systémique de négation du droit à la vie et à la liberté de circulation, où des citoyens se font prisonniers dans leur propre pays, en étant sous la crainte constante d’être l’objet de rapts, de viols, d’assassinats, sans que les auteurs ne soient poursuivis par la justice?

 

La justice est un élément principal d’un État de droit. Or, la justice haïtienne depuis bien longtemps, est une entité fantôme, mue souvent en marché d’échange. Aucune société, même les plus rigoureuses en termes d’Etat de droit, n’est exempte d’actes de déviance et de criminalité, mais il y existe des mécanismes institutionnels, du moins procéduraux, qui permettent à l’Etat de jouer son rôle. Aux USA, c’est presque tous les jours que des gens sont tués dans des fusillades, mais les auteurs, s’ils ne sont pas épinglés, sont alors poursuivis par l’Etat. Ce qui n’est pas le cas en Haïti.

 

En Haïti, l’État s’effondre. Et cette situation décrite ci-haut est la conséquence de l’effondrement de l’État. Seul dans un État effondré, que de telle permissivité puisse exister. Dans un État de droit, le commissaire n’aurait pas à décider selon son humeur, mais suivant les procédures légales et institutionnelles. Et les criminels tombés sous les mains de la justice ne seraient pas non plus relâchés quelques temps plus tard, pour avoir soudoyé un juge. Dans un État de droit, le commissaire aurait dû répondre de son acte, tout comme les bandits qui sèment le deuil partout seraient neutralisés par l’État. Il faut comprendre l’attitude du commissaire du gouvernement, aussi bien que celle des bandits comme la conséquence de l’effondrement de l’État.

 

Quand un État s’effondre, c’est toute l’existence de la société qui est menacée. Alors, notre survie collective ne dépend que du rétablissement de l’Etat de droit, qui devrait donc passer par un nouveau contrat socio-politique.