Haïti : Le Séisme Permanent d’une Nation en Quête de Vie
Il y a quinze ans, le 12 janvier 2010, un séisme dévastateur frappait Haïti, laissant derrière lui un paysage d’apocalypse. Des vies humaines arrachées à la chaleur de leurs foyers, des bâtiments réduits à des monceaux de décombres, et une nation déjà vulnérable plongée dans un abîme de désolation. Ce jour-là, Haïti a pleuré, gémi, et saigné, une plaie béante qui ne s’est jamais refermée. Aujourd’hui encore, la mémoire collective vibre au rythme de cette tragédie, mais une réalité plus sombre persiste : Haïti n’a jamais cessé de trembler.
Les séismes physiques du passé ont cédé la place à des tremblements plus insidieux, qui ébranlent notre peuple de l’intérieur : la faim omniprésente qui creuse les ventres de milliers de nos frères et sœurs, le chômage chronique qui étouffe les rêves d’une jeunesse désorientée, l’insécurité rampante qui s’infiltre jusque dans nos foyers, les gangs qui dictent la terreur, les routes coupées et impraticables qui isolent nos communautés. Autant de secousses invisibles, mais tout aussi destructrices, qui pulvérisent les fondements mêmes de notre société.
Chaque jour, Haïti compte ses morts : des vies brisées par des balles perdues, des kidnappings qui mutilent des familles, des âmes arrachées à la vie par la cruauté d’hommes devenus bourreaux. Les pleurs de 2010 résonnent encore, se mêlant aux sanglots de ceux qui, aujourd’hui, pleurent les disparus d’hier matin, absents au retour du soir. Une nation au souffle court, réduite à ses os, porte le poids d’un chaos interminable.
Haïti chancelle, Haïti trébuche, Haïti ploie. Le sang de ses martyrs irrigue un sol meurtri, tandis que le désespoir ronge ses entrailles. Mais au cœur de cette agonie, une question demeure : combien de temps encore tiendra ce souffle de vie qui résiste à l’extinction ?
Les séismes d’aujourd’hui ne se mesurent pas en magnitudes, mais en douleurs accumulées. Chaque cri d’un enfant affamé, chaque mère éplorée, chaque corps inerte retrouvé dans une ruelle, chaque bateau d’exil chargé de désespérés est un rappel cinglant que nous vivons une catastrophe permanente.
Pourtant, Haïti respire encore, contre vents et marées. Et dans cette respiration ténue, il y a un appel, un cri de résistance, un espoir inavoué. Nous devons nous tenir debout, nous unir dans la mémoire et dans l’action. Car ce qui est détruit peut être reconstruit. Ce qui est tombé peut se relever. Mais pour cela, nous devons bâtir non seulement des maisons, mais aussi des esprits, des cœurs et des espoirs, pierre après pierre, avec une foi inébranlable.
Alors, en ce 12 janvier, souvenons-nous. Mais souvenons-nous aussi que le combat pour la vie, pour la dignité, pour un avenir est encore à mener. Il nous appartient d’éteindre les tremblements intérieurs qui ravagent notre nation et de reconstruire, non seulement des murs, mais une Haïti libre, fière et debout.
Haïti saigne, mais Haïti espère. Que ce souffle fragile devienne un vent puissant, celui du changement et de la renaissance.
Désiré Lucien