Haïti 2024 : La Route de l’Enfer et le Désespoir d’une Nation
Nous sommes en 2024, et le trajet reliant le département de l’Ouest au Grand Sud d’Haïti est devenu un véritable périple de souffrance, un passage obligé pour des milliers de voyageurs qui n’ont d’autre choix que de braver l’insécurité croissante. Ce qui était autrefois une voie essentielle pour le commerce, le transport et la communication entre les régions, est aujourd’hui un chemin de croix semé d’embûches.
La route nationale, qui s’étend comme une artère vitale du pays, est désormais sous le contrôle de bandits armés, qui ont instauré des postes de péage illégaux à différents points stratégiques. Là, les voyageurs sont extorqués, souvent menacés de violence, et doivent payer de lourdes sommes d’argent pour continuer leur voyage. Ces bandits, sans pitié, n’hésitent pas à piller, terroriser, et parfois même assassiner ceux qui résistent ou n’ont pas de quoi payer.
À Thor, la situation est particulièrement sombre. Des files interminables de voyageurs s’étendent le long des côtes, comme une procession d’âmes perdues, espérant monter à bord des rares bateaux qui osent encore naviguer vers les côtes de Petit-Goâve ou de Miragoâne. Ces bateaux, surchargés et à peine en état de naviguer, deviennent la seule lueur d’espoir pour ces milliers de personnes. Mais cet espoir est fragile, car la mer elle-même, avec ses vagues imprévisibles et ses tempêtes soudaines, n’est pas sans danger.
Ces scènes chaotiques, sont le reflet d’une situation nationale en pleine déliquescence. Loin d’être un phénomène isolé, cette crise de transport est symptomatique de l’état général du pays. À Thor, les voyageurs, jeunes et vieux, hommes et femmes, tous pressés les uns contre les autres, attendent parfois des jours entiers sous un soleil de plomb, simplement pour avoir une place sur l’un de ces bateaux de fortune. Ceux qui parviennent à embarquer s’accrochent désespérément, tandis que d’autres, résignés, sont contraints de retourner , affrontant à nouveau les dangers de la route.
Pendant ce temps, la vie économique des départements du Sud est au ralenti. Les grands commerçants, bien conscients des risques encourus sur la route terrestre, préfèrent désormais la voie maritime pour acheminer leurs marchandises. Mais cette solution, aussi précieuse soit-elle, est loin d’être accessible à tous. Les petites entreprises, les agriculteurs, et les simples citoyens se retrouvent pris au piège, incapables de s’adapter à cette nouvelle réalité.
L’éducation, la santé, et les services sociaux sont gravement perturbés. Les étudiants, qui devraient se concentrer sur leur avenir, se battent désormais pour survivre au présent. Les écoles, autrefois pleines de vie, voient leurs classes se vider. Les enseignants, souvent bloqués sur la route ou pris en otage par les événements, ne peuvent plus assurer leur mission. Les malades, quant à eux, peinent à atteindre les centres de santé, et beaucoup finissent par succomber à des maux qui auraient pu être soignés.
Face à ce tableau sombre, la population s’interroge : où sont les autorités censées protéger les citoyens ? Pourquoi cette crise est-elle ignorée, laissant des milliers de personnes à la merci de criminels sans scrupules ? La détresse des habitants du Grand Sud est palpable, leur sentiment d’abandon grandit chaque jour un peu plus.
Le silence des dirigeants nationaux devient assourdissant. Il n’y a plus de réponses, plus de solutions proposées. Les appels à l’aide restent sans écho, et la population, autrefois résiliente, commence à perdre espoir. En 2024, Haïti se trouve à la croisée des chemins, et il semble que chaque jour qui passe nous éloigne un peu plus de la paix et de la sécurité.
Ce texte n’est pas seulement un constat amer de la réalité actuelle, mais aussi un cri d’alarme. Nous devons agir, et vite, pour restaurer la sécurité sur cette route vitale, pour que les milliers de voyageurs désespérés qui s’entassent le long de la côte, ne soient plus obligés de choisir entre le danger de la route et les périls de la mer.
En tant que nation, nous devons nous unir pour surmonter ces défis, pour redonner espoir à ceux qui en ont perdu. Car, au-delà de ces routes dévastées et de ces ports surpeuplés, c’est l’avenir de tout un pays qui est en jeu.
Désiré Lucien